La scolarisation de chaque élève selon ses besoins est un enjeu majeur de notre Ecole. Pour ce faire, elle doit intégrer deux dimensions. La première répond à l’acte quotidien de l’enseignant dans le cadre de l’adaptation de l’acte professionnel en regard des difficultés rencontrées par les élèves dont il a responsabilité, on parle alors d’accessibilité des pratiques voire d’accessibilité universelle des apprentissages. La seconde dimension est celle relevant d’une compensation au sens de la loi du 11 février 2005 concernant la scolarisation des élèves en situation de handicap.
La formation au cœur de tous les enjeux
Se pose de fait la question de la formation de l’ensemble des acteurs de l’Ecole afin de répondre aux besoins des élèves dans le cadre d’une attente sociétale en termes d’efficience de l’acte pédagogique.
Comment former, et donc selon la définition de ce mot, créer, produire, modifier, façonner, proposer, organiser, en prenant en considération la diversité des publics et de leurs besoins, l’évolution des modalités de travail, des usages introduisant le numérique. Tel est notre enjeu en tant que formateurs convaincus de la nécessité d’information, de formation initiale et continue et d’accompagnement des individus comme des collectifs.
Pour ce faire, nous cherchons, au travers du groupe de formateurs que j’ai le privilège de piloter, à développer de nouvelles stratégies d’approche des acteurs, en y intégrant le plus possible l’ensemble des potentialités.
La diversité : une richesse plutôt qu’une source de problèmes
Nous essayons d’appliquer ce principe simple largement répandu au sein des pratiques d’enseignants spécialisés œuvrant pour une Ecole inclusive, à savoir que la diversité est source de richesse. Nous gardons cette règle : inclure au sein du groupe, des acteurs d’horizons divers reconnus comme étant des professionnels susceptibles de faire évoluer les pratiques collectives et individuelles. Cela se traduit par la présence de coordonnateurs d’Ulis en collèges et lycées, de psychologues scolaires, de conseillers pédagogiques Ecole inclusive, de directeurs adjoints de Segpa, d’enseignants exerçant en MDPH et en Rased.
Nous appliquons également ce principe dans la diversité des modalités de formation suivant une stratégie selon trois angles d’attaque : le plaisir d’apprendre, l’horizontalité des réponses apportées, la créativité des communautés d’apprentissage.
Le plaisir d’apprendre comme leitmotiv
Le premier consiste à introduire dans les actes de formation une notion trop souvent oubliée, voire repoussée. Il s’agit de la notion de plaisir d’apprendre. Sans être naïf en pensant que tout acte devrait être source de plaisir, nous ambitionnons le fait que la formation soit un temps de partage, source de contentement permettant de satisfaire un besoin. Il faut pour cela que certaines précautions soient prises en amont de tout acte de formation, à savoir la prise en considération du ou des besoins, l’annonce en anticipation des objectifs poursuivis par chaque formation, des apports en lien direct avec les préoccupations des stagiaires ainsi qu’un suivi efficient de la demande.
Une horizontalité des réponses apportées
Le second angle d’attaque que nous poursuivons est celui de l’horizontalité des réponses apportées, convaincus par le fait que « l’apport de côté » apporte plus que celui « qui descend ». Nous ne remettons pas en cause l’effet hiérarchique qui a toute sa place dans la dimension stratégique organisationnelle, l’accompagnement dans la carrière des personnels relevant de l’Education nationale, la valorisation des pratiques, l’information des orientations ministérielles, régionales, académiques, départementales, voire infra-départementales, mais sommes convaincus que l’apport par des pairs « éclairés » est éminemment porteur de sens. Il permet à chacun de se reconnaître dans le statut de la personne chargée de la formation, tout en envisageant son expertise dans le domaine considéré.
La créativité des communautés d’apprentissage
Le troisième angle est relatif au souhait de développer la créativité des communautés d’apprentissage. Cette approche amène de fait la mise en avant d’expérimentations, d’essais comme de possibles erreurs. Nous sommes bien conscients que l’enseignement n’est pas affaire de pratiques figées « gravées dans le marbre pédagogique ou didactique ». Certes, il existe des incontournables, des cheminements de pensées qui nous influencent mais la diversité des regards fait la diversité des entrées, comme la diversité des possibles.
Diversifier les entrées, c’est aussi envisager les apports en termes d’information, d’accompagnement et de formation auprès des membres de la communauté éducative, suivant la typologie d’acteurs récepteurs et constructeurs de nouvelles pratiques, mais aussi suivant les modalités de mises en œuvre.
En termes d’information et d’accompagnement, cela se traduit par l’usage de différents réseaux de communication dont les supports sociaux, mais également par la mise en place de temps de rencontres dites « virtuelles ». Rien ne remplace les temps d’échange en présentiel, les rencontres « on » et « off » avant, pendant et après la formation, permettant de saisir les positionnements des uns et des autres comme les cheminements intellectuels de chacun. Cependant, il nous a paru important de développer des approches collaboratives, permettant à chacun de devenir acteur de sa formation et de sa connaissance des réponses aux questions qu’il se pose.
Le « pair aidant »
Cela se traduit par la mise en place d’approche par les pairs, réduisant le lien de subordination entre stagiaires et formateurs, développant une posture d’entraide entre les acteurs. Il ne s’agit pas d’envisager les temps de formation comme étant des temps de diffusion de savoirs mais bien des moments de développement d’un collectif apprenant, faisant progresser le groupe tout autant que l’individu, en y incluant les formateurs en tant que membres à part entière du collectif apprenant. Concrètement, cela pourra se traduire par le développement de formations d’initiatives locales, au plus près des besoins des équipes, en y intégrant toute la diversité des approches.
Cela pourra également prendre la forme de réseaux d’entraide privilégiant ce qu’appelait Albert Bandura, la « connexion aux autres ». Il ne s’agira pas d’intervenir auprès d’un public, en déployant un savoir à intégrer, mais bien de mettre en place de réels espaces de discussion sur des thèmes connus à l’avance de tous et posant question. La dynamique consistera en un partage d’informations ayant pour but de contextualiser une problématique puis de développer une culture partagée prenant en considération la diversité des apports expérientiels et co-construisant des réponses partagées. Il ne s’agira pas d’une addition des positions mais bien d’une élaboration collective issue d’échanges prenant en considération les points de vue comme autant de vues partant de différents points. Cela se traduit par la mise en place, depuis maintenant près de 3 années, de « rendez-vous de l’inclusion », temps de rencontres réguliers entre enseignants, accompagnants, parents d’élèves, personnels « gravitant autour de l’Ecole », personnels de direction ou de vie scolaire des entités scolaires, avec les membres du groupe académique de formateurs Ecole inclusive.
Une place laissée à l’auto-formation
Enfin, il nous a paru essentiel de laisser l’opportunité à chacun de s’auto-former à son rythme, en fonction des besoins qu’il ressent. Pour ce faire, le numérique est d’une grande aide. Il permet en effet de respecter le souhait d’autonomie des acteurs tout en s’adossant à cette nouvelle idée d’auto-efficacité. Il permet à chacun de se fixer des objectifs, de savoir quand il les atteint et de se rendre compte de ses progrès. C’est la force des parcours de type M@gistere que nous développons depuis quelques années, en souhaitant diversifier les entrées afin de toucher l’ensemble des profils. Il est en effet indispensable de sensibiliser chacun à son rôle d’ambassadeur de l’Ecole inclusive, en développant une culture commune d’identification des besoins et des réponses individualisées en contexte. Cela vaut pour les enseignants et les accompagnants dans leurs relations interpersonnelles, pour les accompagnants dans leurs rôles de réponses aux besoins individuels et collectifs des jeunes, pour les conseillers principaux d’éducation et les personnels de vie scolaire dans leurs liens quotidiens avec l’ensemble des élèves, comme des infirmières scolaires dans leurs approches spécifiques des élèves.
La formation développée pour faire en sorte que l’Ecole reste en phase avec chacun nécessite un changement profond dans son organisation, tant du point de vue de la forme que du fond. Les approches doivent changer, la stratégie doit évoluer, l’évaluation doit être repensée de façon à s’assurer de l’efficience des actions menées. Le groupe académique de formateurs de l’Ecole inclusive a bien saisi cette révolution qui doit être menée en envisageant une diversification des actions. Tout n’est pas terminé, loin de là, mais en ce qui concerne la formation continue des acteurs de l’Ecole, des changements importants sont en cours de façon à aider chacun à mieux connaître et comprendre les enjeux, les stratégies à développer, les pratiques à mettre en œuvre.
Pierre-Jean FAVE, décembre 2022
