Enrichir l’Ecole par la diversité des acteurs
Œuvrer pour une École plus ouverte sur l’accueil et l’accompagnement des différences est une volonté affichée institutionnellement dans le cadre de la loi du 11 février 2005 comme dans celui de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
Dans les faits, cela se traduit par une prise de conscience des enjeux de la part de l’ensemble des acteurs. Néanmoins, si cette prise de conscience n’est pas suivie d’une information partagée ainsi que d’une formation adéquate, cela peut engendrer une insatisfaction professionnelle, voire un mal-être agissant sur la pratique de classe au quotidien.
En premier lieu, une question peut se poser : pourquoi ouvrir l’Ecole, pourquoi faire en sorte de donner l’accès à des personnels n’y exerçant pas à priori ? Et, de fait, pourquoi envisager que la réponse aux difficultés rencontrées puisse être trouvée en dehors de l’action de ses agents ? Peut-être parce que certains points de vue, certaines pratiques peuvent être complémentaires de celles pratiquées au sein de l’Ecole, de façon à répondre aux besoins de l’ensemble des élèves, des professeurs, des accompagnants, des membres de vie scolaire, des chefs d’établissement, des inspecteurs. Il ne s’agit en rien de substituer les actions de certains par d’autres mais d’envisager le croisement de regards sur une même situation, au travers de l’interaction entre les acteurs en y intégrant l’ensemble des partenaires gravitant autour de l’Ecole, qu’il s’agisse des agents territoriaux, des personnels paramédicaux ou relevant du secteur médico-social.
Se pose la question des règles qui régissent ces interactions. On parle souvent indifféremment de co-enseignement, de co-présence, de co-animation, de co-intervention. Qu’entend-on vraiment de ces termes ?
Essayons d’y voir plus clair dans les définitions
Le rapport du comité national de suivi du dispositif plus de maîtres que de classes a défini en septembre 2015, 7 modalités d’intervention en classes, et donc 7 définitions dépendant des acteurs comme des modes d’entrée dans l’Ecole.
Commençons par la co-animation. Il s’agit ici de faire vivre un groupe par plusieurs personnes par des moyens qu’ils auront définis. Le statut des animateurs peut être similaire ou différent (avec présence ou non d’enseignants), seule la participation à la vie du groupe est recherchée.
La co-présence est une modalité similaire à la co-animation à ceci près qu’en cas de co-présence, les moyens sont quelque peu différents. En effet, la co-présence n’inclue pas de fait que l’animation est partagée. Un des responsables du groupe peut animer tandis que l’autre observe. En ce cas, il est important de rappeler que les deux rôles sont éminemment importants. L’animateur sollicite les membres du groupe, rend possible le collectif. L’observateur, quant à lui, a un rôle plus en retrait mais tout autant important. Il est celui qui est susceptible de renseigner les obstacles potentiels que les élèves rencontrent, tout en notant l’ensemble des stratégies employées. Il faut donc anticiper cet état de fait et déployer des stratégies organisationnelles permettant de garder en mémoire les observations (carnets de notes, grilles d’observation négociées et/ou partagées, traces écrites pensées en amont).
Essayons maintenant de définir ce qui relève de la co-intervention. Nous sommes ici en contexte de classe avec des objets d’apprentissage communs ou dissociés entre les intervenants, des lieux d’apprentissage communs ou non. Trois modalités de travail peuvent être identifiées selon le mode de co-intervention :
- Le travail en ateliers, les co-intervenants passant d’un atelier à l’autre pour animer et relancer les actions des groupes,
- Le travail en groupes différenciés, nécessitant en amont une identification des différents besoins ainsi qu’une répartition des rôles de chacun,
- Le travail en parallèle des deux co-intervenants. Cette modalité envisage un travail important en amont, de façon à identifier les objectifs poursuivis ainsi que les modalités de mise en œuvre.
Enfin, abordons maintenant la notion de co-enseignement, se référant à la définition de Lynn Cook et Marylin Friend (1). Il s’agit de « deux professionnels ou plus qui dispensent un enseignement de fond à un groupe d’élèves diversifié ou mixte, dans un seul espace physique ». Nous sommes ici dans le cas d’un travail commun entre deux enseignants exerçant dans un même lieu et partageant, comme le souligne Marie Toullenc-Thery en 2015 (2), non seulement les mêmes objets d’apprentissage mais aussi les responsabilités de co-planification, de co-construction et de co-évaluation des élèves.
Trois modalités de co-enseignement peuvent être identifiées :
- Le co-enseignement en mode « tandem », chacun articulant son action avec celle de l’autre,
- Le mode « enseignement aidé », où l’un des intervenants prenant un ascendant d’enseignement, l’autre jouant le rôle d’aidant de son collègue,
- Le mode « co-aidant » où les deux enseignants assument le même rôle d’aidants.
Les conditions de l’ouverture de l’Ecole
Nous voyons ici que l’ouverture de la porte de la classe à d’autres acteurs est liée à une prise de conscience des modes d’intervention, afin de définir précisément ce que fait chacun. Au-delà de l’identification des modalités d’intervention, il faut envisager le temps de la mise en place de ces modes d’organisation, ce d’autant que rien n’est statique et qu’au cours d’une même séance, les modalités peuvent évoluer.
Enfin, il est important de rappeler qu’il n’existe pas, à proprement parler, de hiérarchie dans les modalités d’intervention auprès de groupes d’élèves. Tout doit se concevoir en fonction des besoins et des capacités, tant des élèves que des adultes en responsabilité, en amont, durant et en aval des actions en classe.
Pierre-Jean FAVE, janvier 2023
(1) Lynn Cook et Marylin Friend “Interactions : collaboration skills for school professionals”, 2010).
(2) Marie Toullenc-Thery, maître de conférence à l’Université de Nantes (rapport du comité national de suivi du dispositif « plus de maîtres que de classes », 2015)