L’évolution des pratiques dans notre École comme celle de l’ensemble de ses partenaires, relève de l’idée d’« aller vers ». Il ne s’agit pas qu’une institution fasse la démarche seule mais bien que les actions convergent vers « un milieu commun ». C’est en cela qu’il nous faut envisager de l’offre globale. L’offre du médico-social se doit d’évoluer comme l’offre de l’Ecole, afin d’aller plus surement vers une Ecole à l’écoute de tous et de chacun.
La transformation peut engendrer pour le mieux une attitude attentiste et pour le pire un temps de méfiance voire de défiance envers celui, susceptible de pouvoir répondre à une situation que l’enseignant a du mal à gérer.
Pourquoi cette situation de défiance, alors que la réponse apportée par celui qui vient de l’extérieur de l’école est susceptible de m’aider quand je suis enseignant ?
Et bien parce que cela remet en cause mon statut d’enseignant celui qui est à même de pouvoir répondre à l’ensemble des besoins des élèves dont j’ai la responsabilité. C’est donc bien le statut même d’enseignant, de passeur de savoirs, de constructeur de compétences qui est remis en cause.
Il en est de même pour celui qui exerce dans le médico-social, à qui l’on dit d’aller vers l’Ecole, pour mieux répondre aux besoins des jeunes. Comment peut-il ne pas se sentir remis en cause dans sa professionnalité alors qu’on lui demande de changer de lieu d’exercice, d’environnement professionnel, voire d’exercer communément auprès d’enseignants en mal de réponses aux besoins d’élèves.
C’est bien là que l’on retrouve ces lieux de déconstruction des représentations, propices au pire au désarroi, au mieux à la construction d’un commun partagé.
Parmi les premiers freins à la transformation globale de l’offre figure le manque de liens inter-institutionnels.
Les institutions médico-sociales et l’Éducation nationale fonctionnent historiquement de manière relativement autonome, avec des logiques, des cultures et des pratiques différentes. Le manque de communication efficace entre ces entités rend parfois difficile la coordination de leurs actions au bénéfice des élèves.
Peut-être que parmi les pistes, figurent le développement des comités départementaux de suivi de l’école inclusive (CDSEI), entités souvent pensées en tant que bilans, pas assez pensées en anticipation des décisions stratégiques.
Autre frein que nous rencontrons, c’est bien celui des différences dans les référentiels et les approches.
L’Éducation nationale suit un cadre éducatif standardisé avec des attentes et des programmes scolaires précis, tandis que les institutions médico-sociales se concentrent davantage sur le développement et l’accompagnement personnalisé des enfants, des adolescents et des adultes les plus fragiles. Ces approches divergentes peuvent créer des tensions quant à la mise en œuvre des mesures d’inclusion ou d’accompagnement.
Parmi les pistes de réponse à cet écueil, notre approche change puisque nous nous orientons vers la notion de parcours de l’élève, agrémentant son chemin scolaire d’appuis dans et hors de l’Ecole.
Dernier frein que l’on rencontre, c’est l’absence de culture commune. Les personnels de l’Éducation nationale ne sont pas toujours suffisamment formés pour répondre aux besoins spécifiques des enfants et des adolescents nécessitant un accompagnement médico-social. De même, les personnels relevant du secteur médico-social ne sont pas toujours suffisamment formés pour répondre aux besoins spécifiques des élèves. Cette insuffisance de formation de part et d’autre peut limiter l’efficacité des dispositifs inclusifs.
C’est en cela que répondent les formations développées dans les structures externalisées développées dans le cadre de la stratégie autisme.
Il nous faut poursuivre cet effort de formation commune de l’ensemble de nos personnels et les amener à mieux comprendre le métier de celui qui est en face de moi, qui n’a pas la même fonction mais qui peut venir en aide de l’enfant ou de l’élève, comme il peut me venir en aide.
Après avoir parlé des freins que nous rencontrons, le rapprochement entre l’Éducation nationale et les institutions médico-sociales, bien que complexe, peut s’appuyer sur plusieurs leviers et points d’appui qui facilitent son évolution. Ces éléments contribuent à la réussite de la construction de ce milieu commun visé.
Parmi le premier d’entre eux figure la volonté affichée de nos institutions et collectivités territoriales dans le cadre des politiques publiques ayant comme objectif de favoriser une meilleure articulation entre les secteurs éducatifs et médico-sociaux.
Autre levier que l’on peut identifier, c’est la création de structures amenées à faire évoluer les pratiques de l’Ecole. On peut mentionner comme exemple l’appui des équipes mobiles d’appui à la scolarité, leur approche visant à observer puis à venir en appui des équipes pédagogiques en donnant des conseils dans le cadre des pratiques de classes, le pari étant que l’effet soit transféré en classe. Cet appui peut constituer une plus-value non négligeable à la condition de prendre en considération le risque de « surplombance » que mentionne Serge THOMAZET, chercheur honoraire associé au laboratoire Acté de l’université de Clermont Auvergne (« Vers une société inclusive : des liens nécessaires entre formation, pratique et recherche », Serge THOMAZET et Corinne MERINI, La nouvelle revue – éducation et société inclusive).
Dernier levier que l’on peut mettre en avant, c’est l’expérimentation « éducateurs dans les écoles » développé dans la région académique Bourgogne-Franche Comté. Ce travail a sans nul doute contribué à faire accepter la présence de professionnels hors Education nationale au sein des entités scolaires.
L’entrée élèves est privilégiée mais, ne le nions pas, un second effet est recherché, celui de modifier les pratiques par la rencontre quotidienne, autour d’un temps de pause, autour d’un café ou d’un thé, d’un autre univers professionnel pouvant donner des clés de compréhension d’un comportement parfois jugé « hors norme ».
Ces points d’appui, qu’ils soient législatifs, organisationnels ou humains, renforcent l’efficacité des mesures visant à rapprocher les institutions médico-sociales et l’Éducation nationale. Ils constituent une base solide sur laquelle il est possible de construire une offre médico-sociale évolutive et adaptée aux besoins des élèves en situation de handicap.
Parmi ces points d’appui, figurent également, les pôles d’appui à la scolarité, en acronyme, les PAS. Essayons en quelques mots de synthétiser ce qu’est un PAS du point de vue de l’élève, du point de vue de la famille et du point de vue des équipes.
Entendons-nous bien, pour un élève, le PAS doit être l’organisation mise en œuvre pour répondre à ces difficultés, qui ne sont pas des difficultés ordinaires quotidiennes mais bien des difficultés prégnantes.
Pour la famille, le PAS est bien le moyen de faire évoluer les adaptations mises en œuvre lorsque l’élève est en difficulté chronique. Pour les parents, le PAS dispose d’une porte d’entrée qui est le coordonnateur de PAS, qui est l’interlocuteur de première intention.
Pour l’équipe pédagogique qui se pose des questions face à un élève en difficulté, le PAS est synonyme d’aide en observation, en identification puis en remédiation face à des élèves rencontrant des difficultés chroniques.
Dans les faits, qu’est-ce que cela change ?
Cela change l’organisation même de l’école. On est sur un périmètre géographique doté de personnes dédiées à l’observation puis à l’identification d’un besoin puis d’une réponse à ce besoin. Cette réponse peut-être de l’ordre technique par l’attribution momentanée d’un matériel pédagogique adapté ou par une réponse d’ordre humaine par l’intervention possible d’un personnel identifié en amont pour son possible appui.
Qu’est-ce qu’apporte le PAS que n’apportent pas le pôle inclusif d’accompagnement localisé (PIAL) ?
Le champ est beaucoup plus grand. Il n’est plus centré sur l’élève en situation de handicap compensé par l’aide humaine de type aesh. Le PAS a une dimension tout autre qui relève de la grande difficulté scolaire jusqu’à l’élève en situation de handicap.
On est donc sur un spectre beaucoup plus large qui nécessite à la fois observation identification réponse dédiée.
Quelle articulation avec le secteur médico-social ?
Le PAS amène de fait un travail commun quotidien entre Education nationale et partenaires du médico-social puisque dès le départ de l’identification des besoins nous avons à la manœuvre un coordonnateur de PAS, personnel éducation nationale, ainsi qu’un éducateur spécialisé, personnel relevant du secteur médico-social. Le binôme amène de fait un travail quotidien de proximité.
Pour entrer plus dans le détail du fonctionnement des PAS d’un des 4 départements dits « préfigurateurs » : la Côte-d’Or, 17 PAS identifiés, donc 17 binômes, pilotés par un trinôme (chef d’établissement, inspecteur de circonscription, responsable employeur de l’éducateur spécialisé).
A ceci s’ajoute la mise en œuvre d’un plateau technique dédié composé de spécialistes paramédicaux pouvant apporter leur expertise ou pouvant possiblement venir en ressource. Nous sommes bien là sur une transformation de l’offre au service des besoins des élèves.
Un regard objectif de la situation m’amène à porter quelques éléments sur les risques.
En quoi le fonctionnement en PAS peut constituer un risque ?
Objectivement travailler en PAS ne constitue que peu de risques si ce n’est le fait de voir conserver des fonctionnements antérieurs faisant exercer les personnels en silos les actions des uns et des autres.
Si nous ne sommes pas assez vigilants, il risque bien de se constituer des actions parallèles entre les acteurs de l’éducation nationale et ceux relevant du secteur médico-social. Il convient donc d’éviter ces dérives en développant des formations communes.
C’est ce qui s’est déroulé en Côte-d’Or par la mise en œuvre d’actions de formation spécifique par métier mais également des temps formatifs communs inter-métiers.
Venons-en au partenariat, en quoi le PAS impacte le Médico-Social ?
Le PAS impacte le secteur médico-social par le fait de privilégier des binômes de proximité entre coordonnateurs et éducateurs spécialisés possiblement appuyés par un plateau technique commun cofinancé par trois organismes gestionnaires amène à revoir les regards de chacun.
Cela percute donc les fonctionnements existants avant PAS. Il s’agit bien d’une transformation en route vers un milieu commun.
Actuellement, nous sommes à la fois :
- sur cette transformation des équipes mobiles d’appui à la scolarité (EMAS) en appui direct et indirect
- au début d’un partenariat «vrai » en ce sens qu’il est efficient pour chaque entité
- un engagement des collectivités
- l’identification de vrais pilotes décideurs de mesures de terrain
- l’identification d’un pilote des coordonnateurs de PAS, en l’occurrence l’IEN ASH
- techniquement, nous sommes sur le chemin d’une intégration d’un module spécifique PAS dans le livret de parcours inclusif de manière à suivre l’élève tout au long de son parcours
- sur une inclusion renforcée du médico-social en tant qu’acteur de terrain aux côtés des enseignants
- sur une dynamique co-portée entre organismes gestionnaires
- sur une culture partagée en construction, développé par l’intermédiaire des formations spécialisées et conjointes.
En conclusion, nous le voyons, la transformation de l’offre passe par plusieurs étapes incontournables au niveau départemental.
La première d’entre elles est bien l’identification et le partage d’information sur les besoins des élèves. Il faut trouver les outils communs permettant non seulement de procéder à une évaluation précise des besoins des élèves handicapés mais aussi et surtout de les communiquer aux acteurs dans le strict respect de la confidentialité.
La transformation de l’offre passe également par une cartographie précise et mise à jour régulièrement des ressources à disposition, qu’il s’agisse des dispositifs, des structures du territoire que des personnes pouvant possiblement venir en aide.
L’étape suivante nécessite une communication efficace sur les process de collaboration, sur les organisations à destination des familles, des interlocuteurs dans et hors Education nationale.
A ce propos, il conviendrait d’investir plus précisément les comités départementaux de suivi de l’Ecole inclusive (CDSEI) afin de les faire évoluer vers des lieux d’échanges et de réflexion en prospection plutôt qu’en rétrospective, apportant aux acteurs les actions déjà entreprises.
Autre étape : la formation commune de l’ensemble des acteurs, en y incluant les cadres des différentes structures, tant en formation initiale qu’en formation continue en abordant les différentes possibilités d’évolution des parcours en fonction de l’évolution des besoins des élèves.
Enfin, la transformation de l’offre se doit d’être accompagnée d’un volet structuré d’évaluation des politiques menées tant du point de vue quantitatif que qualificatif.
Le nombre d’unités d’enseignement externalisé, d’EMAS déployées sur le territoire, de structures co-portées sont des éléments importants prouvant les volontés communes de travail rapproché.
Toutefois, on ne peut se satisfaire de la persistance d’entités se cotoyant, vivant dans les mêmes espaces, sans même partager les mêmes temps de rencontre, les mêmes temps de récréation, jusqu’à ne pas partager les mêmes entrées, les mêmes horaires.
C’est aussi sur l’aspect qualitatif que nous devons porter notre attention, au risque de passer à côté de ce « milieu commun ».